Texte en vigueur

Nouveau règlement

 

Règlement sur le processus latin d'exécution des sanctions orientée vers le risque et les ressources
(RPLESORR)

E 4 55.17

du 2 novembre 2023

(Entrée en vigueur : 1er janvier 2025)

 

La Conférence latine des autorités cantonales compétentes en matière d'exécution des peines et des mesures (ci-après : la Conférence),

vu :

les articles 75, 90, alinéa 2, 93 et suivants, 372, alinéa 3, du code pénal suisse, du 21 décembre 1937;

les articles 4, alinéa 2, lettre b, et 18, alinéa 2, du concordat du 10 avril 2006 sur l'exécution des peines privatives de liberté et des mesures concernant les adultes et les jeunes adultes dans les cantons latins (Concordat latin sur la détention pénale des adultes);

les principes régissant l'exécution des sanctions pénales en Suisse, approuvés par la CCDJP le 13 novembre 2014;

sur proposition de la Commission concordataire latine (CCL) et de la Commission latine de probation (CLP), du 13 octobre 2023,

considérant :

que, sous réserve d'intérêts supérieurs en matière de sécurité, l'exécution des sanctions doit être orientée vers un retour du délinquant à la liberté par paliers successifs (mission de réinsertion sociale), respectivement, en l'absence de privation de liberté, vers le renforcement de son autonomie et de son insertion sociale;

que le(s) délit(s) commis et l'état des faits doivent être au coeur du travail effectué dans le cadre de l'exécution de la sanction (orientation en fonction du délit);

que le travail avec la personne en exécution de sanction1 doit, pendant toute la durée de l'exécution de la sanction, être systématiquement orienté vers l'analyse du risque de récidive, des ressources et des besoins d'interventions afin d'améliorer la prévention de la récidive et de favoriser l'insertion sociale;

que l'autorité responsable de l'exécution de la sanction pénale doit piloter et coordonner la planification de l'ensemble de l'exécution et qu'elle doit s'assurer que les intervenants recourent à un langage uniforme et disposent, pour un cas donné, des mêmes sources d'informations et d'une compréhension commune du cas, maîtrisant ainsi mieux les interfaces entre les champs d'intervention des professionnels;

qu'il s'agit d'identifier les cas à risque élevé de passage à l'acte tant en milieu carcéral qu'en vue du retour en société, notamment par la mise en oeuvre d'une évaluation criminologique, et d'assurer leur suivi dès que possible dans le cadre de l'exécution de la sanction;

qu'il s'agit dès lors de distinguer les situations en fonction de leur niveau de risque afin d'y faire correspondre, dès le début du processus, un niveau de ressources en matière d'évaluation et d'encadrement (principe du risque);

que l'analyse structurée du risque et des ressources doit se baser sur les éléments qui ressortent du dossier ainsi que, dans la mesure du possible, sur les éléments découlant d'entrevues entre l'auteur de l'analyse et la personne en exécution de sanction;

que l'évaluation du cas doit être accompagnée de recommandations concernant les interventions interdisciplinaires qui contribueraient à réduire le risque de récidive;

qu'un plan d'exécution de la sanction déclinant les interventions identifiées en termes d'objectifs et d'élargissements de régime doit être établi en conséquence afin de servir de base commune au travail de tous les intervenants durant l'exécution de la sanction;

qu'au cours du processus d'exécution, des bilans individuels doivent être établis régulièrement afin d'évaluer l'évolution de la personne en exécution de sanction;

qu'il est fondamental que les autorités compétentes des cantons concordataires travaillent d'une manière harmonisée, sur la base de référentiels standardisés,

décide :

 

Chapitre I        Généralités

 

Art. 1        Processus latin d'exécution des sanctions orientée vers le risque et les ressources

1 Un processus d'exécution des sanctions orientée vers le risque et les ressources (PLESORR) est instauré pour tous les cantons partenaires du concordat.

2 Ce processus définit les notions, les étapes et les outils propres à assurer une mise en oeuvre systématique et harmonisée de l'exécution des sanctions pénales visant à réduire le risque de récidive, à prendre en compte les ressources de la personne en exécution de sanction et à favoriser son intégration sociale.

3 L'autorité responsable de l'exécution des sanctions pénales et/ou de la probation pilote et coordonne ce processus.

 

Art. 2        Champ d'application

Entrent dans le champ d'application PLESORR les cas dans lesquels a été prononcée (sanction exécutoire ou jugement de première instance rendu en cas d'exécution anticipée) :

a)  une peine privative de liberté supérieure à 6 mois (peine brute2), ou

b)  une mesure au sens des articles 59, 60, 61, 63, 64, 67, 67b CP, y compris en cas d'irresponsabilité (19 CP), ou

c)  une assistance de probation au sens de l'article 93 CP et/ou des règles de conduite au sens de l'article 94 CP, ou

d)  une peine inférieure ou égale à 6 mois (peine brute) qui concerne une infraction listée à l'article 64, alinéa 1 CP.

 

Art. 3        Articulation

PLESORR s'articule en 4 étapes :

a)  tri initial;

b)  évaluation;

c)  planification;

d)  suivi.

 

Chapitre II       Tri initial

 

Art. 4        But

1 Le tri initial permet de classer rapidement, objectivement et uniformément tout nouveau cas en fonction de la nature du délit et de la catégorie de risque de récidive que présente la personne en exécution de sanction.

2 Il débouche sur une classification différenciée des cas, laquelle détermine les ressources évaluatives, notamment la nécessité d'une évaluation criminologique, et les dispositions appropriées pour la prise en charge du cas.

 

Art. 5        Stucture

1 Le tri initial s'effectue selon une grille définie prenant en compte des indicateurs de gravité liés à la nature des délits et à la durée de la sanction prononcée, d'une part, et des indicateurs de récidive, d'autre part.

2 Cette grille est validée par la CCL.

 

Art. 6        Classification des cas et traitement

1 Le tri débouche sur la classification suivante des cas :

-   rouge;

-   orange;

-   vert.

2 Les cas rouges nécessitent une évaluation criminologique.

3 Les cas orange sont soumis à une évaluation au moyen de l'outil LS/CMI3 et, en cas de hauts scores obtenus en lien avec une infraction au sens de l'article 64, alinéa 1 CP et/ou de violence conjugale et/ou sexuelle, l'analyse est approfondie avec d'autres outils d'évaluation criminologique.

4 Les cas verts ne nécessitent aucun type d'évaluation structurée du risque et des ressources. L'autorité compétente se limite à la planification, respectivement à la définition des objectifs de la sanction pénale.

 

Chapitre III      Fiche d'orientation

 

Art. 7        Fiche d'orientation

1 Une planification initiale, sommaire et factuelle, est systématiquement établie pour les personnes en privation de liberté, sous forme d'une « fiche d'orientation », par l'autorité de placement ou celle désignée par le canton.

2 Cette fiche d'orientation est remise sans tarder à la personne en exécution de sanction avec l'ordre/la fiche d'exécution, ainsi qu'à l'établissement ou l'institution de privation de liberté.

3 Elle contient également quelques règles de comportement et d'attitudes attendues de toute personne en exécution.

4 Les dates de l'ordre/de la fiche d'exécution sont déterminantes pour les échéances de l'exécution de la peine.

5 Si la fiche d'orientation fait office de PES, elle doit être signée par la personne détenue.

6 Le modèle de fiche d'orientation est défini par la CCL.

7 La fiche d'orientation peut être utilisée par analogie pour l'exécution des courtes peines privatives de liberté n'entrant pas dans le champ d'application du présent règlement.

 

Chapitre IV      Evaluation

 

Art. 8        But

L'évaluation criminologique débouche sur un rapport standardisé proposant les interventions nécessaires à la prise en charge de la personne en exécution de sanction en regard du risque et des ressources identifiées.

 

Art. 9        Principes de base

1 Une évaluation criminologique est réalisée lorsque la personne en exécution de sanction demeure sous la responsabilité de l'autorité d'exécution pendant une durée de 12 mois au moins, y compris la période de délai d'épreuve impliquant des règles de conduite ou une assistance de probation.

2 Une évaluation criminologique peut être envisagée dès qu'un jugement de première instance a été rendu, pour autant qu'un appel ne porte pas sur les faits et sous réserve de disposer de toutes les informations nécessaires.

3 L'évaluation criminologique est réalisée sur demande de l'autorité d'exécution et au plus tard dans les 3 mois après la réception de la demande, laquelle inclut tous les documents nécessaires à l'évaluation.

4 Le canton qui a autorité sur la personne réalise l'évaluation (logique d'autorité et non de lieu de détention). Les cantons sont toutefois libres de déléguer cette compétence si un accord le prévoit.

5 Toute évaluation nécessite un ou plusieurs entretiens avec la personne en exécution de sanction.

6 En cas de refus d'entretien(s), l'évaluation criminologique est remplacée par un « avis criminologique » (sur dossier) pour autant que le dossier soit suffisamment étayé.

 

Art. 10      Forme et modalités de l'évaluation

La CCL, en collaboration avec la CLP, définit la forme et les modalités des rapports standardisés, les documents indispensables à la réalisation d'une évaluation criminologique, ainsi que les conditions-cadre méthodologiques de l'évaluation.

 

Chapitre V       Planification de l'exécution orientée vers les risques et les ressources

 

Art. 11      Principe

1 La planification vise à établir, pour chaque cas, d'une part, les besoins d'intervention et les objectifs qui y sont liés et d'autre part, les phases d'élargissements et les conditions qui y sont liées.

2 Les besoins d'intervention sont définis sur la base de l'évaluation criminologique, de l'avis criminologique ou des observations issues d'un outil standardisé, dans la mesure où ces évaluations ont été réalisées. Dans tous les cas, ils sont définis sur la base de l'analyse du dossier et d'entretiens avec la personne en exécution.

3 La planification se réalise dans le plan d'exécution de la sanction (PES).

4 Le PES est établi et actualisé en collaboration avec l'ensemble des intervenants concernés.

5 La personne en exécution de sanction est systématiquement invitée à prendre une part active dans l'établissement du PES. Elle est invitée à le signer.

 

Art. 12      Définition et contenu du PES

1 Le PES se définit en tant que convention d'objectifs, soit :

-   des objectifs généraux, communs pour toutes les personnes en exécution de sanctions, répartis en 9 domaines;

-   des objectifs spécifiques, liés au risque et aux ressources de l'intéressé (selon l'évaluation ou l'avis criminologiques, le dossier pénal, l'expertise psychiatrique, la LS/CMI, les entretiens initiaux, les observations de l'établissement, les informations d'autres spécialistes impliqués, ...).

2 Le modèle de PES est défini par la CCL en collaboration avec la CLP.

 

Art. 13      Portée du PES

1 Le PES s'applique tant pour les sanctions pénales que pour les mandats d'assistance de probation.

2 Le même modèle de PES est utilisé indépendamment de la classification des cas (rouge, orange ou vert), avec ou sans évaluation ou avis criminologiques. Son contenu variera en fonction des besoins individuels de la personne en exécution de sanction.

3 Dans le but d'avoir un seul document commun pour toute planification de l'exécution de la sanction, le PES tel que défini dans le présent règlement est également utilisé pour les cas qui n'entrent pas dans le périmètre PLESORR.

 

Art. 14      Etablissement du PES

1 Un PES est établi lorsque la durée de la peine à exécuter jusqu'à la plus proche échéance légale de la libération conditionnelle (2/3 de la peine) ou jusqu'à la fin du sursis partiel est égale ou supérieure à 6 mois.

2 Pour les mesures institutionnelles et l'internement, le PES doit en tous les cas être établi avant le premier examen de la levée ou de la libération conditionnelle de la mesure.

3 Le PES est établi au plus tard dans les 6 mois dès l'admission de la personne dans l'établissement d'exécution ou dès le passage en régime d'exécution.

4 Lorsque la peine à exécuter est inférieure à 6 mois, la fiche d'orientation fait office de PES.

5 En cas d'assistance de probation ordonnée en lien avec un sursis à l'exécution de la peine (art. 42 et suivants CP), une mesure de traitement ambulatoire (art. 63 CP), des mesures d'interdiction (art. 67 et suivants CP) et/ou des règles de conduite (art. 94 CP), le PES est établi au plus tard dans les 3 mois suivant la réception du jugement.

6 En cas d'exécution anticipée de la peine ou de la mesure, un PES est établi dès réception du jugement de première instance.

 

Chapitre VI      Suivi

 

Art. 15      But

1 Durant l'exécution de la sanction, des bilans réguliers et planifiés de l'évolution de la personne en exécution de sanction sont effectués sur la base de rapports dont les contenus sont standardisés.

2 Ces rapports doivent permettre, sur la base des observations retranscrites, d'évaluer l'évolution de la personne en exécution et, le cas échéant, d'intervenir, éventuellement par une nouvelle évaluation criminologique et/ou une expertise psychiatrique et/ou une saisine de la commission cantonale d'évaluation de la dangerosité, en présence d'indices critiques.

 

Art. 16      Forme et modalités

La CCL, en collaboration avec la CLP, définit les modalités des rapports standardisés.

 

Art. 17      Catalogue de prestations

Afin de relier les domaines et objectifs du PES avec les prestations offertes au sein du concordat, la CCL et la CLP tiennent et mettent à jour un catalogue de prestations.

 

Chapitre VII     Autres dispositions

 

Art. 18      Gestionnaire de cas

1 L'autorité responsable de l'exécution de la sanction pénale (autorité d'exécution ou de probation) détermine pour chaque situation, au moins une personne de référence pour assurer le pilotage et la coordination de l'exécution et pour garantir la bonne application du présent processus (gestionnaire de cas).

2 Le gestionnaire de cas est notamment responsable de l'envoi des fiches d'orientation, de faire établir les évaluations ou avis criminologiques, de valider les PES, de requérir les rapports en temps opportun ou d'organiser et de coordonner les séances de bilan, en collaboration avec les autres intervenants, de solliciter des réévaluations auprès des spécialistes ou des compléments d'évaluation si nécessaire, de veiller au respect des délais.

 

Art. 19      Echange d'informations

Les entités et personnes associées à l'exécution de la sanction (établissements d'exécution, personnel de soins, personnel encadrant, assistance de probation, etc.) sont tenues de collaborer entre elles en toute transparence et d'échanger toutes les informations dont elles ont besoin pour accomplir leur travail.

 

Art. 20      Ressources

Les cantons veillent à allouer les ressources nécessaires et suffisantes afin de garantir la bonne application de PLESORR.

 

Art. 21      Formation

1 Les collaborateurs des autorités responsables de l'exécution de la sanction pénale intervenant dans la mise en oeuvre des sanctions pénales suivent une formation aux principes et outils PLESORR.

2 La formation comprend :

a)  un module « Introduction générale à PLESORR »;

b)  des modules « Cours spécifiques PLESORR » visant la formation aux procédures standardisées;

c)  des cours de formation continue.

3 La CCL, en collaboration avec la CLP, définit les modalités de ces formations.

 

Art. 22      Intervision

1 Dans le but d'améliorer le processus, une intervision annuelle permettant d'échanger sur les expériences et les bonnes pratiques est organisée par la CCL en collaboration avec la CLP.

2 Un compte-rendu de ces intervisions est établi aux fins d'apporter les adaptations nécessaires aux procédures et outils PLESORR.

 

Art. 23      Groupe de suivi

1 La CCL, en collaboration avec la CLP, instaure un groupe de suivi.

2 La mission de ce groupe de suivi est, notamment, d'élaborer les propositions d'adaptation des procédures et outils PLESORR sur la base des compte-rendu des intervisions, de mettre à jour le catalogue des prestations et d'établir une veille des outils d'évaluation criminologiques.

 

Art. 24      Aspects financiers

La Conférence définit les éventuels coûts liés ou induits par PLESORR devant être partagés entre les cantons, ainsi que leur clé de répartition.

 

Art. 25      Compétences de la CCL et de la CLP

La Conférence, en lien avec les articles 8, lettre c, et 10, lettre a, du concordat, délègue à la CCL et à la CLP la compétence d'édicter les directives nécessaires à la bonne application du présent règlement.

 

Art. 26      Disposition finale

1 Le présent règlement entre en vigueur le 1er janvier 2025.

2 La Décision du 8 novembre 2018 relative à l'établissement du plan d'exécution de la sanction pénale (PES) est abrogée.

3 La Conférence invite dès lors les gouvernements des cantons de la Suisse latine à adapter leurs réglementations cantonales en conséquence.

4 La CCL et la CLP veillent à la mise en oeuvre du présent règlement.

5 Le présent règlement est publié sur le site Internet de la Conférence.

 

Le Secrétaire général :

 

Le Président :

 

Blaise Péquignot

Romain Collaud

Conseiller d'Etat

 

 

 

1 Au sens du présent règlement, les termes « personne en exécution de sanction » se réfèrent tant à la personne en exécution anticipée de peine ou de mesure qu'à celle qui est condamnée par jugement définitif et exécutoire.

 

2 La peine brute se définit comme la peine prononcée sans imputation de la détention avant jugement déjà effectuée. Pour les peines avec sursis partiel, la durée totale de la peine (partie avec sursis et partie ferme) est déterminante.

 

3 Le LS/CMI (Level of Service/Case Management Inventory) est un outil d'évaluation du risque de récidive et de gestion de cas. Il s'agit d'un instrument standardisé qui permet d'identifier les facteurs de risque et les besoins criminogènes des personnes ayant commis des infractions, afin de réduire le risque de récidive.

 

 

 

RSG                     Intitulé

Date d'adoption

Entrée en vigueur

E 4 55.17 R sur le processus latin d'exécution des sanctions orientée vers le risque et les ressources

02.11.2023

01.01.2025

Modification :  néant